Une enquête sur le niveau d’activité physique des enfants a déclenché une véritable alerte nationale en Finlande. Au point où 36 fédérations se sont regroupées pour redéfinir la façon d’offrir et d’organiser leurs activités afin de faire bouger un plus grand nombre de citoyens âgés de 7 à 19 ans.
Les Finlandais mesurent régulièrement le niveau d’activité physique des enfants et des jeunes de moins de 20 ans. Ces travaux permettent notamment de mieux comprendre les aspects culturels et comportementaux de la pratique du sport.
Or, la plus récente mouture de cette étude a révélé que seulement 36 % des Finlandais de 7 à 15 ans répondent aux recommandations nationales en matière d’activité physique.
L’étude nationale a par ailleurs révélé que les petits Finlandais commencent à pratiquer des activités sportives plus tôt au cours de leur vie, mais qu’ils se spécialisent aussi beaucoup plus tôt dans une seule discipline. Au bout du compte, ils abandonnent le sport à un plus jeune âge que par le passé.
À la lumière des recherches, aucune de ces tendances n’est positive pour s’en tenir à un mode de vie actif, acquérir des compétences sportives ou se lancer dans une carrière sportive d’élite
, ont affirmé les dirigeants des fédérations finlandaises dans un communiqué publié la semaine dernière.
Selon le président du Comité olympique finlandais, Jan Vapaavuori, cette dégradation de l'état physique des enfants va jusqu’à menacer l’important filet social dont jouissent les citoyens du pays.
Au mieux, l'exercice et le sport offrent à un enfant une chance de bien-être tout au long de sa vie. Sans améliorer la santé et la capacité fonctionnelle [des enfants], notre modèle social actuel ne peut être maintenu ni le système sportif actuel
, explique Vaopaavuori.
Trente-six fédérations sportives en sont donc venues à la conclusion que l’inertie n’est pas une option de leur part non plus. Elles se sont donc regroupées pour trouver une façon d’inverser cette inquiétante tendance qui frappe tous les pays industrialisés.
Le système sportif doit relever ce défi avec les familles, les écoles, les municipalités et la société dans son ensemble. Le changement doit se faire maintenant et nous devons le faire ensemble. Nous devons examiner, et si nécessaire, modifier les pratiques sportives pour les enfants de moins de 12 ans du point de vue de l'enfant
, affirment les dirigeants sportifs du pays.
Chacune de leur côté, les fédérations sont donc en train de passer en revue leurs systèmes de compétitions, leur façon d’enseigner le sport et de former leurs entraîneurs ainsi que les coûts que doivent assumer les parents. Elles s’entraident par ailleurs pour dégager des lignes directrices susceptibles de stimuler la pratique sportive chez les enfants. En plus de rendre le sport plus attrayant, on cherche notamment à éliminer les obstacles à la pratique simultanée de plusieurs sports.
Il y a plusieurs aspects fort intéressants dans cette démarche des décideurs du milieu sportif finlandais. D’abord, leur niveau d’intolérance à l’inactivité des enfants semble beaucoup plus élevé qu’au Québec.
En 2018-2019, une étude réalisée à la demande du ministère de l’Éducation et de l’Enseignement supérieur du Québec avait révélé que seulement 19 % des enfants de 6 à 11 ans et des jeunes de 12 à 17 ans étaient considérés comme actifs durant leurs moments libres.
Les Finlandais, eux, ont décidé qu’un score de 36 % d’enfants actifs nécessite une mobilisation nationale.
Ce que j’aime des gens de cette région du monde (la Scandinavie et les pays limitrophes), c’est qu’ils ne niaisent pas. Ils se posent constamment des questions. Et quand ils constatent qu’ils ont un problème, ils consultent pour s’assurer de prendre la bonne direction, et ils se mettent tout de suite en action
, dit l’expert canadien en la matière André Lachance.
Reconnu sur la scène internationale en matière de systèmes sportifs, M. Lachance a été recruté en 2022 par le Cirque du Soleil à titre de directeur de la performance humaine, puis de directeur responsable du recrutement et du développement des talents. Il est aujourd’hui le directeur principal responsable de la distribution et de la gestion des contrats des artistes.
Malgré ses occupations avec le Cirque du Soleil, il continue de prononcer des conférences à l'international. Il a d’ailleurs été invité en Finlande l’an dernier. Les fédérations norvégiennes et danoises font régulièrement appel à lui à titre de conférencier.
J’ai été agréablement surpris de voir que les Finlandais incluent les systèmes de compétition dans leur réflexion parce que c’est le nerf de la guerre lorsqu’on parle de développement.
Les entraîneurs vont toujours diriger en fonction du système de compétition en place. S’il y a 12 équipes au début de la saison et que seulement 8 participent aux séries, les entraîneurs vont se concentrer sur la tactique et ils vont tout faire pour gagner dès le premier match. Mais si tout le monde participe aux séries, ils vont développer les habiletés de leurs athlètes pour qu'ils soient meilleurs en fin d’année. De la même manière, si on donnait des points pour une action défensive réussie au baseball, tous les entraîneurs se concentreraient sur le développement des habiletés défensives. Quand on change le système de compétition, on change l’état d’esprit des entraîneurs
, explique l'expert.
Les fédérations finlandaises font aussi face à un taux d’abandon du sport qui est de plus en plus élevé chez les adolescents. Elles se demandent comment aborder le problème. À ce sujet, André Lachance révèle que les Norvégiens faisaient face au même défi et qu’ils ont trouvé une piste de solution.
Ils se sont rendu compte qu’une importante proportion des adolescents qui abandonnaient le sport de leur enfance avaient simplement envie de découvrir une autre discipline. Le problème, c’est que les fédérations norvégiennes n’avaient pas de structure d’accueil pour les débutants âgés de 13 à 16 ans. Ils sont donc en train d’étudier comment ils peuvent créer des points d’entrée pour les jeunes de cet âge
, précise-t-il.
Cela dit, si un jeune a le goût d’apprendre à jouer au hockey ou au soccer à l’âge de 15 ans et si on ne l’a pas aidé à développer toutes ses compétences de base durant son enfance (courir, patiner, skier, sauter, nager, rouler à vélo, lancer, attraper, botter un ballon, maintenir son équilibre, etc.), il n’osera probablement pas s’inscrire. Et il ne sera probablement pas porté à faire du sport tout au long de sa vie.
Les compétences sportives rendent les enfants plus confiants et motivés. C’est pour cela qu’il faut les encourager à être actifs
, conclut André Lachance.