La Russie a promis mardi de « radicalement » réduire son activité militaire en direction de Kiev et Tcherniguiv en Ukraine, après des pourparlers russo-ukrainiens « substantiels » à Istanbul.
« Les négociations sur un accord sur la neutralité et le statut non-nucléaire de l’Ukraine entrant dans une dimension pratique […], il a été décidé, pour accroître la confiance, de réduire radicalement l’activité militaire en direction de Kiev et Tcherniguiv », a déclaré à Istanbul le vice-ministre russe de la Défense, Alexandre Fomine, à l’issue des discussions.
Le chef de la délégation russe et représentant du Kremlin, Vladimir Medinski, a fait état de « discussions substantielles » et dit que les propositions « claires » de l’Ukraine en vue d’un accord allaient être « étudiées très prochainement et soumises au président » Vladimir Poutine.
Selon lui, une rencontre des dirigeants ukrainien Volodymyr Zelensky et russe Vladimir Poutine, et de représentants d’Etats garants, serait possible en cas d’accord pour mettre fin aux hostilités.
« En ce qui concerne une rencontre des deux présidents, nous avons dit depuis le début qu’elle sera possible lorsqu’il y aura un accord […] La rencontre pourrait être multilatérale, avec la participation d’Etats garants », a-t-il dit.
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« Après la discussion substantielle d’aujourd’hui, nous nous sommes entendus et proposons que la rencontre se fasse pour parapher l’accord », a-t-il dit. « A condition d’(effectuer) un travail rapide sur l’accord, et de trouver les compromis nécessaires, la possibilité de conclure la paix se rapprochera », a dit M. Medinski.
Kiev acceptera la neutralité si elle obtient un « accord international » garantissant sa sécurité
L’Ukraine acceptera d’être neutre si elle obtient un « accord international » pour garantir sa sécurité, dont seraient signataires plusieurs pays agissant en tant que garants, a de son côté indiqué le négociateur en chef ukrainien après plusieurs heures de pourparlers russo-ukrainiens à Istanbul.
Le négociateur en chef, David Arakhamia, a aussi estimé qu’après ces pourparlers, les conditions étaient « suffisantes » pour une rencontre au sommet entre les présidents russe Vladimir Poutine et ukrainien Volodymyr Zelensky. Depuis le début de l’invasion russe le 24 février, Moscou a toujours refusé une telle proposition de Kiev.
« Nous insistons pour qu’il s’agisse d’un accord international qui sera signé par tous les garants de la sécurité », a déclaré David Arakhamia lors d’un point de presse informel. « Nous voulons un mécanisme international de garanties de sécurité où les pays garants agiront de façon analogue à l’article 5 de l’OTAN et même de façon plus ferme », a-t-il ajouté.
L’article 5 du traité de l’Alliance atlantique stipule qu’une attaque contre l’un de ses membres est une attaque contre tous.
M. Arakhamia a cité, parmi les pays que l’Ukraine voudrait avoir comme garants, les Etats-Unis, la Chine, la France et la Royaume-Uni — membres du Conseil de sécurité de l’ONU — mais aussi la Turquie, l’Allemagne, la Pologne et Israël.
« L’Ukraine acceptera un statut neutre si le système de garantie de sécurité fonctionne », a-t-il ajouté.
Avec de telles garanties, l’Ukraine « ne déploiera sur (son) territoire aucune base militaire étrangère » et ne rejoindra « aucune alliance militaro-politique », a souligné un autre négociateur, Olexandre Tchaly.
Des exercices militaires pourraient néanmoins être organisés en Ukraine avec l’accord des pays garants, a-t-il précisé.
Kiev demande également que cet accord international n’interdise en rien l’entrée de l’Ukraine dans l’UE, et que les pays garants s’engagent à contribuer à ce processus.
Pour que ces garanties puissent prendre effet dans les plus brefs délais, la Crimée et les territoires du Donbass sous contrôle des séparatistes prorusses seraient « temporairement exclus » de l’accord, a précisé M. Arakhamia.
Pour résoudre la question spécifique de la Crimée, annexée par la Russie en 2014, Kiev propose « 15 ans » de pourparlers russo-ukrainiens séparés, selon un autre négociateur ukrainien, Mykhaïlo Podoliak.
Reprise de terrain
Les autorités ukrainiennes ont annoncé lundi soir qu’Irpin, théâtre de féroces combats dans la banlieue ouest de Kiev, avait été « libérée » des forces russes.
« Les occupants sont repoussés d’Irpin, repoussés de Kiev. Cependant, il est trop tôt pour parler de sécurité dans cette partie de notre région. Les combats continuent. Les troupes russes contrôlent le nord de la région de Kiev, disposent de ressources et de main-d’œuvre », a déclaré M. Zelensky dans une vidéo lundi soir.
Mardi, la situation semblait relativement calme dans cette localité à 20 km au nord-ouest de Kiev, où l’on entendait toutefois des tirs sporadiques, selon des journalistes de l’AFP.
Des soldats bloquaient néanmoins l’accès des journalistes au pont détruit permettant d’entrer dans la ville, expliquant que les forces ukrainiennes étaient toujours en train de mener une opération de « nettoyage » dans la zone.
« À mon avis, environ 70 à 80 % de la ville est libérée, les limites extérieures sont toujours aux mains » des Russes, a déclaré à l’AFP Roman Kovalevskiï, 48 ans, un habitant de la ville qui en sortait à vélo avec des bidons d’essence vides pour aller s’approvisionner à Kiev.
Un responsable américain de la Défense a affirmé que positions des forces russes étaient « statiques » autour de Kiev.
Mais dans les régions de Tchernigiv, Soumy, Kharkiv, du Donbass, et dans le sud de l’Ukraine, « la situation reste partout tendue, très difficile », a souligné lundi soir le président Zelensky.
Autour de Kharkiv, deuxième ville d’Ukraine, proche de la frontière russe, des mercenaires russes du groupe Wagner ont été déployés, a indiqué lundi le ministère britannique de la Défense, estimant que plus d’un millier de ces hommes pourraient être amenés à combattre dans le pays.
Contre-offensive
À 4 km à l’est de Kharkiv, les soldats ukrainiens ont repris le contrôle du petit village de Mala Rogan, a constaté l’AFP, qui a vu deux corps de soldats russes gisant dans une allée et plusieurs blindés russes détruits.
Dans le Sud, une frappe russe a touché mardi tôt dans la matinée le bâtiment de l’administration régionale de Mykolaïv, ville proche d’Odessa qui connaissait un répit dans les bombardements ces derniers jours, a indiqué Vitaly Kim, le gouverneur de cette région du sud de l’Ukraine sur Facebook.
« J’étais en train de prendre mon petit-déjeuner chez moi », a déclaré à l’AFP Donald, un retraité canadien de 69 ans habitant dans la ville, racontant avoir entendu un gros bruit.
Non loin de là, au nord de la péninsule de Crimée annexée par Moscou en 2014, le responsable militaire de la ville de Kryvyi Rih a affirmé dans la nuit de mardi que les forces russes avaient « été repoussées à 40-60 km de la ville ».
Trois couloirs humanitaires sont mis en place dans cette région mardi pour évacuer des civils, notamment depuis la ville assiégée de Marioupol, a indiqué la vice-Première ministre ukrainienne Iryna Verechtchouk sur Telegram. Lundi, Kiev avait décidé de ne pas ouvrir de couloir, affirmant craindre des « provocations » russes.
Blocus de Marioupol
M. Zelensky a dénoncé dimanche un blocus total de Marioupol, cité portuaire stratégique sur la mer d’Azov dont l’armée russe tente de s’emparer depuis fin février, où environ 160 000 personnes seraient toujours coincées.
Selon Tetyana Lomakina, conseillère de la présidence ukrainienne, « environ 5000 personnes » y ont été enterrées, « mais les gens ne sont plus enterrés depuis dix jours à cause des bombardements continus ». Elle a estimé qu’il pourrait y avoir en réalité « autour de 10 000 morts ».
Le président français Emmanuel Macron a indiqué qu’il allait discuter mardi avec M. Poutine « pour sécuriser l’opération humanitaire à Marioupol », précisant que l’objectif était de la lancer « dans les tout prochains jours ».
« Il y a aujourd’hui de la part de la Russie un non-respect du droit humanitaire international », a-t-il déploré.
Un sentiment partagé par l’ONG Amnesty International : « Nous sommes dans des attaques intentionnelles d’infrastructures civiles, d’habitations », des bombardements d’écoles, a déclaré mardi à l’AFP la secrétaire générale de l’ONG Agnès Callamard, accusant la Russie de permettre des couloirs humanitaires pour les transformer en un « piège mortel ».
L’invasion russe en Ukraine est une « répétition » de la Syrie avec une « multiplication des crimes de guerre », a alerté l’ONG lors de la présentation mardi à Johannesburg de son rapport 2021-2022.
Pendant ce temps-là, le Kremlin continue d’essayer de contrôler la narration des événements.
Selon M. Lavrov, un décret est en préparation pour limiter l’accès au territoire russe des ressortissants de pays auteurs d’actes « inamicaux » à l’égard de la Russie, visée par une multitude de sanctions depuis le déclenchement de son offensive.
Le pouvoir russe a fait voter après son offensive plusieurs lois prévoyant de lourdes peines, pouvant aller jusqu’à quinze ans de prison, pour la diffusion de ce que les autorités considèrent comme de « fausses informations » sur l’armée.
La simple utilisation du mot « guerre » par des médias ou des particuliers pour décrire l’intervention en Ukraine est passible de poursuites, le Kremlin et ses médias utilisant le terme d’« opération militaire spéciale ».
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Moscou réduira «radicalement» son activité militaire en Ukraine, Kiev pourrait accepter la neutralité - Le Devoir
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