Le gouvernement du Québec refuse de protéger le mont Rigaud, en Montérégie, du développement minier. Il refuse également de protéger l’eau souterraine de la région de ces activités, au grand désarroi des responsables locaux.
« Dans un monde idéal, on interdirait carrément l’activité minière sur notre territoire », dit Patrick Bousez, préfet de la MRC de Vaudreuil-Soulanges. Mais Québec voit les choses autrement.
La MRC souhaite protéger le mont Rigaud, qu’elle décrit comme « un joyau naturel exceptionnel et un pôle touristique majeur », de l’activité minière. Elle exige la même chose pour les zones de recharge de l’aquifère, soit les zones où l’eau s’infiltre dans le sol pour alimenter la nappe phréatique. Celles-ci sont critiques, puisque 18 des 23 municipalités de la MRC dépendent des eaux souterraines.
Et jusqu’à aujourd’hui, « on a un refus, ce n’est pas compliqué », dit en soupirant M. Bousez.
La MRC a formulé sa demande initiale en novembre 2019, dans le cadre de l’élaboration de son schéma d’aménagement et de développement présenté au ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN) et au ministère des Affaires municipales et de l’Habitation (MAMH). On peut y lire que la MRC entend « identifier l’ensemble du territoire à titre de territoire incompatible [avec] l’activité minière », et qu’il n’y a « actuellement aucun titre minier actif ou en traitement ».
La Loi sur l’aménagement et l’urbanisme prévoit que les MRC peuvent « délimiter tout territoire incompatible avec l’activité minière ». Un document d’orientation du MAMH énumère les activités qui peuvent justifier cette désignation, y compris des activités de conservation ou de prélèvement d’eau pour la consommation humaine.
[Le mont Rigaud] ne cadre pas dans les paramètres du document d’orientation [notamment parce qu’il n’est] pas encore désigné dans son ensemble comme étant un parc régional ou une aire protégée.
La MRC de Vaudreuil-Soulanges
« Il va de soi que cet espace naturel n’est pas voué à être ‟troué” par des activités minières », poursuit-on.
Quant aux zones de recharge de l’aquifère, « il est impératif de protéger ces zones vulnérables en termes de qualité et de quantité », soutient la MRC, puisque « les activités minières peuvent avoir un impact substantiel sur le potentiel de pollution et sur la quantité d’eau qui pourrait être prélevée ».
« Il en va de la protection de cette ressource essentielle à notre population », conclut-on dans le document justificatif de 73 pages obtenu par La Presse. Cette demande a donné lieu à de nombreux échanges entre Québec et la MRC, selon M. Bousez, sans qu’il y ait de progrès à cet égard.
Refus sur toute la ligne
L’ensemble du mont Rigaud et les zones de recharge d’aquifères « ne peuvent être considérés comme des [territoires incompatibles avec l’activité minière] », répond le MAMH dans une lettre datée du 1er décembre 2021 que La Presse a pu consulter. Ceux-ci « ne constituent pas des territoires de conservation pour lesquels les activités d’exploration et d’exploitation minières sont interdites », explique-t-on.
Le MAMH a donné cette réponse « sur la base de l’avis du MERN », a-t-on précisé en réponse aux questions de La Presse, sans donner plus de détails sur le raisonnement.
Malgré les directives, le ministre de l’Énergie et des Ressources naturelles peut user de son pouvoir discrétionnaire pour protéger un endroit de l’exploitation minière, ce qu’il refuse de faire jusqu’à présent, selon la MRC. Le MERN n’avait pas répondu aux questions de La Presse au moment où on écrivait ces lignes.
« Clairement, c’est une problématique si des mines pouvaient venir s’installer, soit en zone de recharge de l’aquifère ou même à proximité », affirme Geneviève Lachance, mairesse de Saint-Lazare. Elle craint les risques de contamination de l’eau potable alors que 100 % des résidants de sa municipalité consomment de l’eau souterraine.
C’est très important de protéger cette ressource.
Geneviève Lachance, mairesse de Saint-Lazare
« Je ne vous cacherai pas mes préoccupations, d’autant plus que le mont Rigaud a toujours fait l’objet d’une large protection », dit François Pleau, maire de Sainte-Marthe, où se trouve le versant sud de la montagne, dont une bonne partie n’est pas protégée de l’activité minière. M. Pleau y voit « une certaine incohérence à ne pas supporter la protection demandée même si nous avons un consensus auprès des maires de notre MRC ».
« Nous ne pouvons pas […] interdire simplement l’exploration et l’exploitation minière dans Vaudreuil-Soulanges », peut-on lire aujourd’hui dans le schéma d’aménagement et de développement de la MRC, qui doit être adopté officiellement dans les prochaines semaines. Et cela, en dépit de « la nécessité de protéger nos fragiles nappes phréatiques qui sont notre approvisionnement en eau potable pour 96 000 citoyens et du caractère exceptionnel du mont Rigaud ».
« Le retard dans l’adoption du présent schéma est notamment dû aux nombreuses représentations politiques réalisées auprès des ministères et aux ministres eux-mêmes afin d’empêcher ces activités qui, nous croyons, n’ont aucunement leur place dans la région », dénonce-t-on dans ce document.
Pour joindre Frédérik-Xavier Duhamel, écrivez-lui par courriel au fduhamel@lapresse.ca.
Québec refuse d'exclure l'activité minière au mont Rigaud - La Presse
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