L’auteur est gériatre, épidémiologiste et chercheur au Centre hospitalier de l’Université de Montréal. Il est aussi l’un des cofondateurs et l’expert médical de l’entreprise Eugeria, qui s’est donné pour mission d’améliorer le quotidien des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer.
J’ai rarement besoin de convaincre les personnes âgées et leurs proches de l’importance de la mémoire, et plus largement des fonctions cognitives. Mais j’ai plus de difficulté à leur faire avaler la pilule de l’exercice physique. Pour une consultation en raison de troubles de mobilité (et de chutes), j’en fais de cinq à dix pour des troubles cognitifs. Pourtant, les deux types d’atteintes contribuent aux pertes d’autonomie qui forcent un aîné à quitter sa maison. Un déclin cognitif est une chose, un déclin physique en est une autre, mais lorsque les deux se combinent, l’effet est décuplé. Soucions-nous autant de nos pieds que de notre tête.
Les bienfaits de l’activité physique
Les bénéfices d’une pratique régulière d’activités physiques débordent largement le système musculaire. Le cœur, les poumons et les os sont des organes dont la fonction se renforce à l’usage : l’exercice physique est une des meilleures manières d’éviter ou de retarder les maladies cardiovasculaires ou les fractures dues à l’ostéoporose et aux chutes.
De façon peut-être étonnante, il a aussi été démontré que l’exercice physique a des effets positifs sur les fonctions cognitives : d’abord à long terme en réduisant le risque d’être atteint de troubles cognitifs (tels que la démence), mais également à court terme par l’amélioration directe des fonctions du cerveau lui-même, particulièrement en ce qui a trait à la planification et à l’organisation. L’activité physique a un effet positif sur l’humeur, et lorsqu’il s’agit d’une activité physique collective, cet effet augmente.
Combien de temps faut-il y consacrer ?
L’Organisation mondiale de la santé recommande aux personnes de plus de 65 ans de pratiquer chaque semaine la même quantité d’activité physique que les adultes plus jeunes, soit au moins 150 minutes d’activité d’intensité modérée (comme marcher d’un bon pas ou danser) ou 75 minutes d’activité d’intensité soutenue (comme monter une côte à pied ou faire du vélo à vive allure). Cela peut aussi être une combinaison des deux, par exemple 90 minutes de marche et 30 minutes de course.
De plus, surtout pour les aînés aux prises avec des troubles de mobilité et sujets aux chutes, on préconise d’ajouter au programme, deux ou trois fois par semaine, des activités qui mettent l’accent sur l’équilibre fonctionnel, telles que le taï-chi.
Simple, non ? Disons que ces recommandations sont plus faciles à lire qu’à mettre en branle.
Les quatre types d’activités physiques
Mieux on comprend les choses, plus on y trouve un sens et plus on est motivé à les faire. Il faut donc savoir que toutes les activités physiques ne sont pas équivalentes. Pour en tirer le bénéfice maximal, il est judicieux de répartir son énergie entre plusieurs formes d’exercices, et non pas toute la concentrer sur de longues marches de plusieurs heures.
On peut les classer en quatre types : l’endurance, la résistance (ou force musculaire), l’équilibre et la flexibilité.
Les activités d’endurance, aussi appelées « aérobiques », font augmenter les fréquences cardiaque et respiratoire. La marche, la danse, la natation et le vélo en sont de bons exemples.
Viennent ensuite les exercices de type résistance musculaire, qui font travailler les muscles eux-mêmes et les sollicitent à un niveau supérieur à ce qu’ils font en temps normal : poids et haltères, appareils de musculation, transport d’objets lourds (comme l’épicerie), bandes élastiques et exercices qui emploient le corps comme résistance (comme des pompes, ou push-ups en anglais, debout au mur).
L’équilibre et la flexibilité sont deux composantes souvent oubliées de la forme et de l’activité physique. Elles appellent des exercices qui visent à augmenter la stabilité et le contrôle du corps ainsi que l’amplitude des mouvements : faire du taï-chi ou du yoga, se tenir sur un pied, effectuer des exercices d’étirement, marcher en tandem (comme sur une corde raide imaginaire, en regardant devant soi).
On réduit souvent l’activité physique aux exercices d’endurance. Les quatre types d’exercices sont pourtant complémentaires et participent au maintien de la forme physique, donc de la capacité à vaquer à toutes nos activités quotidiennes malgré le vieillissement.
Renforcer ses réserves
Dans la fleur « physique » de l’âge, quand le corps a le potentiel de courir un marathon, l’inactivité physique n’a que très rarement un effet sur la vie quotidienne : il y a une réserve physiologique, un coussin de sécurité.
Mais pour de nombreuses personnes de plus de 70 ans, cette même inactivité physique empêchera le corps de maintenir une réserve physiologique suffisante pour les activités quotidiennes essentielles. C’est encore pire lorsqu’il leur faut traverser un stresseur important comme une chute, une maladie grave ou une hospitalisation.
Plus on est près du seuil d’inactivité engendrant des conséquences néfastes, plus il est payant de s’en éloigner. C’est la meilleure façon de préserver sa capacité à se déplacer ou à faire ses courses, afin de conserver son autonomie.
Des obstacles à la pratique de l’activité physique
Pourquoi ne pratique-t-on pas plus d’activités physiques, particulièrement en vieillissant ? Je perçois chez mes patients une certaine inertie devant le changement, et cette réaction n’est pas l’apanage des personnes âgées. Adopter de nouveaux comportements exige d’instaurer des routines qui ne viennent pas naturellement.
Notons ensuite que les bénéfices importants de l’activité physique n’ont été démontrés dans la littérature scientifique qu’à partir des années 1960-1970, alors que notre mode de vie se sédentarisait de plus en plus. Le lien entre exercice physique et santé est moins évident pour les gens très âgés que pour les générations qui ont suivi. Après tout, la populaire entraîneuse Josée Lavigueur n’a que 57 ans !
L’inactivité chez les aînés s’explique aussi par la douleur et la crainte de blessures et de chute. Un cercle vicieux peut s’installer : la douleur entraîne l’inactivité, qui elle-même augmente la douleur. Il en va de même pour la peur de tomber, car l’inactivité mène au déconditionnement, qui augmente le risque de chute et encourage l’inactivité. On sait pourtant que se remettre à bouger peut entretenir un cercle vertueux et atténuer la douleur et la peur de tomber.
Finalement, des aînés se demandent si certaines des affections dont ils souffrent peuvent rendre dangereuse la pratique d’activités physiques. Sachez qu’il existe très peu de contre-indications absolues à certaines formes d’activité physique. La clé est de personnaliser l’exercice selon nos limitations, et surtout nos besoins, nos capacités et nos envies.
Des outils pour faire le choix de l’activité physique
J’observe une grande diversité dans la forme physique des personnes âgées. Impossible, donc, de proposer à toutes les mêmes activités.
Le plus important est de commencer et, progressivement, de se pousser un peu selon ses capacités — les anglophones (et les pharmaciens en gériatrie !) ont une jolie formule pour cela : « Start low, go slow, but go. » Il est essentiel de choisir des activités qui nous sont agréables, car ce sera la meilleure façon d’en assurer la poursuite. Optez également pour des types d’activités variés et combinés (endurance, résistance, équilibre et souplesse). Vous pouvez consulter un professionnel de la santé, en particulier un kinésiologue ou un physiothérapeute, pour trouver un programme qui vous convient.
Il y a aussi d’excellentes ressources québécoises en ligne. La première, SAFE (Soutien aux aînés pour la forme et l’équilibre), a été mise sur pied par des gériatres du Centre universitaire de santé McGill. La deuxième, Le GO pour bouger, a été créée par des kinésiologues de Sercovie, la Direction régionale de santé publique de Montréal et le service de gériatrie du CHUM. L’une et l’autre proposent des programmes d’exercices adaptés et propres à différents niveaux de condition physique. Faites le choix de l’activité physique et passez de la théorie à la pratique !
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