Coup de sifflet. Fin du match. « Let’s go les filles, vous allez être en retard ! » Dans le gymnase de l’école secondaire de l’Altitude, dans le secteur de Pierrefonds, la quinzaine d’adolescentes qui jouent au soccer font mine de ne rien entendre. Cris qui résonnent, espadrilles qui martèlent le plancher, les joueuses s’échangent le ballon jusqu’à l’ultime appel de l’enseignante avant le son de la cloche.
Ces élèves ne sont pas des as de la feinte ni des joueuses vedettes de l’équipe de soccer de l’Altitude. Leur club à elles, c’est Fillactive, un programme qui a pour but de faire bouger les adolescentes des écoles secondaires grâce à des activités multisports, non compétitives et se déroulant uniquement entre filles. Et ça marche.
Selon une nouvelle recherche universitaire rendue publique vendredi, Fillactive atteint ses objectifs : l’initiative permet aux adolescentes d’atteindre plus souvent la recommandation canadienne en matière d’exercice chez les jeunes, soit 60 minutes par jour d’activité physique d’intensité moyenne à élevée. L’étude, dirigée par une professeure en kinésiologie et sciences de l’activité physique de l’Université de Montréal, a été menée auprès d’environ 3600 participantes entre 2018 et 2022.
« Les filles, au moment de leur inscription à Fillactive, respectent la recommandation d’activité physique en moyenne 2,6 jours par semaine, alors qu’en fin d’année [scolaire], on passe à 3,2 jours par semaine », indique Geneviève Leduc, conseillère principale aux programmes de Fillactive.
À première vue, ce résultat peut donner l’impression « que ça ne casse pas tant la baraque », reconnaît-elle. « Mais il faut se souvenir à quel point notre clientèle cible, les adolescentes, c’est la population qu’on a le plus de difficultés à faire bouger », dit-elle. Selon Statistique Canada, 35 % des filles âgées de 12 à 17 ans respectaient en 2021 la directive de bouger 60 minutes par jour, contre 52,2 % des garçons du même âge.
Dans le contexte, chaque pas de course est une petite victoire. Selon la recherche, 32 % des participantes qui étaient inactives au début du programme avaient augmenté leur niveau d’activité physique à la fin. « Une fille sur trois, pour nous, c’est majeur », affirme Geneviève Leduc.
285 écoles, 9000 adolescentes
Lancé il y a une quinzaine d’années, Fillactive vise à raccrocher celles qui ont abandonné le sport à la puberté et convaincre celles qui n’ont jamais été sportives de bouger plus. Pour y parvenir, l’organisme s’associe à des écoles — 285 l’an dernier — qui organisent des activités sportives dans un cadre amical et féminin. Fillactive tient aussi de « grands événements », comme une course au printemps. L’année dernière, 9000 adolescentes ont pris part au programme.
« La compétition est une raison d’abandon du sport pour plusieurs filles à l’adolescence, explique Geneviève Leduc. On sait que les filles s’engagent davantage dans l’activité physique quand les garçons n’y sont pas. »
À l’école de l’Altitude, un gymnase est réservé chaque midi à Fillactive. Basketball, volleyball, course, entraînement physique, yoga : les activités varient chaque jour. Lors du passage du Devoir la semaine dernière, une trentaine d’adolescentes jouaient au badminton ou au soccer sous la supervision d’enseignantes bénévoles.
Tisser des liens, créer des rendez-vous
Parmi ces jeunes filles, Merveille Sildie, 14 ans. Elle s’est inscrite à Fillactive il y a trois ans « juste pour se motiver à faire du sport ». Elle fait maintenant partie de l’équipe de basketball de l’école. « Je me sens beaucoup plus en forme, dit-elle. Après le dîner, quand je ne viens pas ici, je me sens vraiment lourde. »
Éliane Moreno, elle, aime le fait de se retrouver entre filles pour faire du sport. « On peut [se sentir en] confiance, dit l’élève de troisième secondaire, qui aura bientôt 15 ans. On peut créer de nouveaux liens. »
Sa camarade Eva Ambroise aime particulièrement les sorties gratuites organisées, comme la randonnée au mont Saint-Hilaire. Cette année, une quarantaine d’élèves devraient y participer.
Pour y prendre part, les filles devront avoir été présentes à deux entraînements de course. Une façon de les motiver à courir. « L’année passée, quand on était en randonnée, il y en avait beaucoup qui étaient en arrière, qui étaient essoufflées juste de monter la montagne », indique Sophie Daunais, enseignante et adepte de la course à pied.
Avant l’expédition, les adolescentes pourront préparer des collations santé, comme des boules d’énergie, lors d’un atelier de cuisine. « On a inclus un volet alimentaire [à l’activité de randonnée], parce qu’on a remarqué l’année dernière que les filles mangeaient n’importe quoi. Elles s’amenaient, par exemple, un sac de chips miniature », raconte l’enseignante Hanna Tataurov, qui s’implique elle aussi bénévolement au sein du programme.
Sa collègue Camille Pelletier-Tremblay ignore si Fillactive aura un impact « à long terme » sur la santé et les habitudes de vie de ses élèves. Mais elle se réjouit de pouvoir leur faire découvrir des sports sans qu’elles payent un sou. Située en milieu défavorisé, l’école de l’Altitude accueille de nombreux nouveaux arrivants. « La grande majorité des filles, c’était la première fois qu’elles faisaient du ski de fond lors de notre activité l’an dernier », dit-elle.
Malgré les chutes, Fatima Ezzahraa Kone, 13 ans, a bien aimé l’expérience. « On tombait mes amies et moi, mais on rigolait, raconte l’élève de deuxième secondaire. Le plus important, c’est pas de tomber, c’est de se relever. »
À voir en vidéo
Comment faire bouger les filles? - Le Devoir
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